Après des mois de baisse, les taux immobiliers repartent à la hausse, atteignant 3,1 %, en moyenne, en mai. Si les banques continuent de proposer des offres compétitives, l’embellie pourrait ne pas durer dans un contexte économique incertain.
« C’est le bon moment pour emprunter ». Une affirmation régulièrement entendue ces derniers mois dans la bouche de professionnels de l’immobilier. Cette fois-ci c’est le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, qui l’a déclaré le 6 juin dernier sur France 2.
Il est vrai que, depuis un pic atteint en décembre 2023, à 4,20 %, en moyenne, d’après les chiffres de l’Observatoire du Crédit Logement/CSA, les taux des prêts à l’habitat, hors frais et assurance, ont sensiblement baissé. Des courtiers ont même commencé à communiquer sur l’opportunité de renégocier certains crédits contractés il y a plus d’un an.
Mais, le mouvement semble déjà s’essouffler. « Il y a forcément un moment où cette baisse s’arrêtera, a d’ailleurs poursuivi le gouverneur de la banque centrale française, et on ne retrouvera pas les taux exceptionnellement bas autour de 1,5 % qu’on avait il y a 4 ans ».
De fait, et c’est une mauvaise nouvelle pour les emprunteurs, dans sa dernière publication, l’Observatoire Crédit Logement/CSA indique que le taux moyen des crédits immobiliers est reparti à la hausse « en mai, pour la première fois depuis décembre 2023 ». Ce taux s’établit désormais à 3,10 % contre 3,08 % en avril 2025. L’augmentation a été observée « quelle que soit la durée des prêts accordés » et a concerné « tous les marchés », qu’il s’agisse du neuf, de l’ancien ou des travaux.
Prêter à perte n’est pas tenable
Dès avril, le recul des taux a commencé à ralentir et des spécialistes du courtage ont détecté le retour des hausses pour certains profils d’emprunteurs, notamment ceux dont les revenus sont les moins élevés.
Et pourtant, jusque-là, les conditions de crédit aux particuliers s’étaient nettement améliorées, enclenchant une reprise possible des ventes de logement à l’échelle nationale. La demande des ménages est notamment soutenue par le renforcement du prêt à taux zéro depuis le 1er avril pour les primo-accédants. Les banques sont reparties à l’offensive, dopant leurs offres commerciales pour accompagner le printemps de l’immobilier, saison traditionnellement propice au marché.
Elles ont pu dans la période s’appuyer sur la baisse continue des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE). Mais, entre la crise politique française et le contexte géopolitique délétère, l’OAT (obligations assimilables du Trésor) 10 ans, le taux auquel l’Etat emprunte sur cette durée, a subi plusieurs coups de chaud.
La référence, dont les fluctuations ont une influence sur celles des taux des prêts à l’habitat, a même bondi à 3,56 % les 12 et 13 mars derniers. Il s’agit alors d’un plus haut depuis la crise de la zone euro fin 2011, après 3,2 % le 30 décembre 2024 et seulement 2,5 % fin 2023.
Or, proposer des taux de crédit immobilier inférieurs à ce niveau n’est pas tenable sur la durée, les banques prêtant alors à perte. En conséquence, alors que de plus en plus de Français pensaient que les taux immobiliers allaient dans les prochains mois se situer à 3 %, voire sous cette barre, la poursuite de la tendance baissière semble moins plausible.
Légers réajustements des taux
Aujourd’hui, alors que l’OAT 10 ans oscille entre 3,17 % et 3,24 % depuis début juin, les taux des prêts immobiliers paraissent faire du surplace. Tout du moins, ils font l’objet de légers réajustements à la hausse comme à la baisse. En mai, illustre le courtier en crédit Cafpi, les taux obtenus par son intermédiaire pour ces clients, reflètent une « relative stabilité ». Ils se négocient à 3,04 % sur 15 ans (soit moins 10 centièmes par rapport à avril), à 3,15 % sur 20 ans (stable) et 3,28 % sur 25 ans ( + 4 centièmes).
De même, le spécialiste du courtage VousFinancer indique que les taux affichés pour les banques « sont globalement stables ». Dans le détail, certaines ont procédé à des hausses de taux de 0,05 à 0,10 point pour faire face à un afflux de dossiers et juguler des délais de traitement qui se sont rallongés.
Pour autant, certains établissements, toujours en forte conquête de clientèle, ont diminué leurs taux de 0,10 point. Ou encore, ils accordent au cas par cas des décotes pour les meilleurs profils qui peuvent alors emprunter à moins de 3 %, sur toutes les durées.
En juin, par l’intermédiaire de Vousfinancer, les taux moyens se stabilisent aussi, à 3 % sur 15 ans, 3,20 % sur 20 ans et 3,40 % sur 25 ans. Tandis que les emprunteurs présentant les meilleurs dossiers continuent de bénéficier de conditions attractives, souvent sous les 3 % : 2,77 % sur 10 ans, 2,83 % sur 15 ans ou 2,94 % sur 20 ans.
De même, le courtier IN&FI Crédits relève, via son réseau, « la poursuite de la baisse des taux d’intérêt, avec une moyenne à 3,73 % en mai et un net regain d’activité bancaire, porté par une offensive commerciale ciblée des établissements prêteurs. »
Cette tendance est soutenue par la nouvelle annonce le 5 juin de la BCE, qui, dans un environnement de reflux de l’inflation en zone euro (1,9 % sur douze mois en mai), a abaissé ses taux pour la huitième fois en un an. « Cette nouvelle baisse des taux de la BCE dans un contexte de stabilisation des taux d’emprunt d’Etat aux alentours de 3,20 %, est une très bonne nouvelle », estime Sandrine Allonier, porte-parole de VousFinancer.
La politique accommodante de la BCE devrait, selon elle, « soutenir la production de crédits dans les prochaines semaines, en incitant les banques à continuer à proposer des taux attractifs aux emprunteurs. Pour ceux qui ont un projet immobilier à court terme, c’est un signal très positif. »
Des jeunes aisés, cibles des banques
Toutefois, dans un contexte toujours fragile et incertain sur le plan national et international, des experts restent prudents. C’est le cas de Bertrand Cartier, économiste du Groupe BPCE. « Avec une OAT 10 ans en France qui se maintiendrait autour de 3,30 %, pronostique-t-il fin mai, le taux moyen des prêts immobiliers avoisinerait 3,20 % fin 2025. »
Par ailleurs, lors de sa conférence de presse le 5 juin, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a laissé entendre que le nouvel allègement des taux directeurs de la banque centrale serait parmi les derniers. Côté banques, note, de son côté, Alban Lacondemine, président fondateur d’Emprunt Direct, « la production de crédits pourrait être affectée par le manque de visibilité induit par les récents soubresauts internationaux et par l’absence d’évolution en matière de politique du logement au niveau national »,
L’embellie sur les taux immobiliers pourrait donc ne pas durer, sauf à disposer d’un excellent dossier. Les cibles prioritaires des établissements prêteurs, souligne Pierre Chapon, cofondateur de Pretto, « sont les jeunes de moins de 35 ans, primo-accédants, appartenant aux catégories CSP +, dotés de revenus annuels élevés (au-delà de 80.000 euros, seul ou à deux) et d’une forte capacité d’épargne. » Pour ces profils, les banques n’hésitent pas à accorder des taux bien inférieurs à la moyenne.

