Dès lors qu’ils enregistrent une rentrée d’argent importante, certains épargnants auront le réflexe de solder leurs crédits en cours, notamment celui qui a servi à acheter leur bien immobilier, à la fois le plus lourd et le plus long à porter. Est-ce une bonne idée sur le plan patrimonial ? De l’avis de plusieurs experts de la finance, cette stratégie mérite d’être étudiée. Il est préférable de ne pas prendre de décisions hâtives pour plusieurs raisons.
D’abord, beaucoup de générations de crédits immobiliers ont été contractés à des taux bas, de l’ordre de 1 à 2 %, et les plus anciens ont même fait l’objet de plusieurs renégociations à la baisse. Dans le contexte actuel, le coût de ces emprunts est donc très faible, sans tenir compte de l’inflation.
De plus, « aujourd’hui, on peut faire fructifier de l’argent sans risque à 3% ou plus. Ce différentiel entre un coût faible de l’argent emprunté et ce qu’il rapporte aujourd’hui joue mathématiquement contre le remboursement par anticipation. De plus, rembourser au fil de l’eau un crédit, cela s’apparente déjà à une épargne forcée », souligne Alexandra Préaux, responsable de la gestion privée à La Financière de l’Echiquier.
Ensuite, on a tendance à l’oublier, mais un crédit immobilier est toujours assorti d’une assurance-emprunteur. En cas de décès d’un ou des deux coemprunteurs, cette garantie est précieuse pour les proches (conjoint, enfants), car la dette en cours est alors totalement (ou en partie) remboursée à la banque. « Solder un tel prêt, c’est s’enlever automatiquement cette protection salvatrice pour ses finances », commente Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux.
Etudier l’impact fiscal
Autre point notable : pour un bien locatif financé à crédit, les intérêts d’emprunt sont déductibles des revenus fonciers du bailleur. Un remboursement du prêt par anticipation a pour effet d’augmenter sa pression fiscale. « Et même au chapitre de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), solder un crédit revient à diminuer le passif donc à accroître l’assiette taxable », fait valoir Didier Mahieu, directeur de la gestion de fortune à Cyrus Conseil.
Enfin, dernier argument qui ne plaide pas en faveur d’un remboursement avant terme : le timing de l’opération n’est pas toujours opportun. Ici, l’arbitrage dépendra de la durée restante du crédit. « Pour un prêt à mi-chemin de sa durée de vie ou plus, la mensualité comportera à ce stade plus de remboursement de capital que d’intérêts, ces derniers ayant été acquittés en début de prêt », indique Maël Bernier. A l’opposé, cette opération est gagnante pour un prêt récent.
Pour ceux qui seraient malgré tout tentés d’alléger leur crédit, « pour réduire sa dette et générer le plus d’économies, mieux vaudra faire le choix de diminuer la durée plutôt que la mensualité », conseille Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, courtier en crédit.