Sur le papier, elle n’est pas obligatoire. Mais dans les faits, aucune banque n’accepte de prêter sans assurance. Depuis la loi Lemoine, la négociation est cependant plus ouverte, avec de belles opportunités à la clé. Voici comment s’y prendre.
Elle représente environ 25% du coût total de tous les emprunts immobiliers – voire au-delà en fonction de l’âge du souscripteur ou de l’étendue de la couverture choisie – et pourtant, elle n’est pas obligatoire. La souscription d’une assurance- emprunteur n’est en effet pas exigée par la loi, mais les particuliers ne trouveront aucune banque susceptible de leur accorder un crédit sans cette garantie. À défaut de pouvoir s’en passer, il est possible de modérer son coût. Depuis le 1er septembre 2022 et la loi Lemoine, faire jouer la concurrence est devenu plus aisé et les emprunteurs ne sont plus captifs du contrat proposé par l’établissement qui accorde le crédit. Ils peuvent résilier rapidement au profit d’un autre assureur. Un premier bilan du texte vient d’être publié, et les conclusions du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) sont plutôt positives: «Les demandes de substitution auprès des réseaux bancaires ont augmenté de plus de 80% entre 2021 et le premier semestre 2023». Pour une concrétisation qui se fait encore avec plus ou moins de facilité, tempèrent les assureurs… les banques traînant toujours un peu des pieds décourageants les particuliers.
Les gains sont pourtant loin d’être négligeables. De 2000 euros environ jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros selon les courtiers en assurances. Si vous n’avez pas encore sauté le pas, nous vous expliquons comment faire.
1- Résilier à tout moment
Pour obtenir rapidement leur prêt immobilier, les emprunteurs n’ont la plupart du temps pas d’autre choix que de souscrire le contrat d’assurance proposée par l’établissement prêteur « quitte à changer d’assureur par la suite, parfois dès le mois suivant», aux dires des courtiers. Car chacun peut envisager de changer d’assurance emprunteur à tout moment. Avant la loi Lemoine, deux textes avaient déjà assoupli les conditions de résiliation. La loi Hamon de 2014 l’autorisait à tout moment mais seulement au cours de la première année suivant la signature du contrat. Quant à la loi Bourquin, de 2017, elle permettait de rompre une fois par an, mais seulement à la date anniversaire. Désormais plus besoin de mettre une alerte! On peut changer d’assureur tout le temps et même plusieurs fois.
2 – Maintenir une couverture équivalente
Ce n’est pas parce que la loi Lemoine donne davantage de liberté aux emprunteurs que la banque ne peut pas avoir ses exigences. Pour elle, l’assurance crédit joue un rôle très important car elle lui certifie que les fonds seront remboursés jusqu’au dernier centime. Elle est donc en droit d’exiger du nouvel assureur qu’il fournisse des garanties équivalentes au contrat initial.
Concrètement, la banque communique sa liste d’exigences à l’emprunteur sur une fiche standardisée d’information (article L313-10 du Code de la consommation). C’est un document qui précise l’ensemble des garanties contenues dans le contrat d’assurance du crédit immobilier qu’elle propose, le niveau de couverture exigé pour chacune, une estimation personnalisée du coût global de l’assurance de prêt immobilier (le TAEG ou taux annuel effectif global) mais aussi, et c’est un point à vérifier, la possibilité de changer d’assurance. Reste alors à faire le tri entre toutes les offres présentes sur le marché : « la première chose à faire est de comparer les assurances emprunteur au même titre que l’on compare les taux de financements. Il est également possible de mesurer son assurabilité dès la recherche du bien immobilier, notamment en cas de pathologies », conseille Doria Cherkaski, directrice marketing et communication du groupe Prévoir. «Changement de garanties, révision des quotités, choix de la couverture par un ou plusieurs emprunteurs… tout doit faire l’objet d’un avenant au contrat et donc d’un accord de la banque. En général, l’établissement va exiger que l’assurance couvre au minimum 100% de la somme empruntée», explique Lola Sougey-Lardin, animatrice du réseau NousAssurons. Décès, perte d’autonomie voire invalidité totale ou partielle, sont généralement au nombre des risques obligatoirement couverts. Seule la garantie perte d’emploi est strictement optionnelle.
Le droit à l’oubli, l’autre avancée de la loi Lemoine
Pour les prêts immobiliers inférieurs à 200.000 euros, la loi Lemoine a réduit de 10 à 5 ans le droit à l’oubli pour les personnes ayant eu un cancer ou une hépatite C. Elle a également supprimé le questionnaire médical.
3- Assurer un risque sur la durée
Sachant que les primes d’assurance ont tendance à augmenter lorsque l’assuré avance en âge, on peut se poser la question de savoir si l’on n’aurait pas finalement intérêt à conserver son contrat d’assurance initial plutôt que de s’en voir proposer un plus onéreux. En délégation d’assurance, le coût de l’assurance tient en effet compte de nombreux paramètres, notamment la santé et l’âge du souscripteur, sa situation professionnelle, ses loisirs ainsi que le montant, la durée et le taux du crédit… «Plus vous attendez pour substituer le contrat, plus élevée sera la prime. Mais il se peut aussi que le client ait cessé de fumer, qu’il ait arrêté de pratiquer un sport à risques», confirme Lola Sougey-Lardin qui précise que le client a tout intérêt à solliciter les différents acteurs présents sur la place pour effectuer un comparatif. « Il y a beaucoup plus d’acteurs qu’il y a quelques années et l’offre s’est beaucoup développée tant au niveau des garanties offertes que des tarifs».
Les années passant, changer son contrat d’assurance de prêt, peut aussi être l’occasion de s’interroger sur la manière dont on souhaite s’acquitter du paiement de la prime. « Le contrat d’assurance emprunteur offre deux solutions: Des cotisations constantes c’est-à-dire payer des primes sur le capital initial qui vont être identiques sur le long terme, ou des cotisations variables sur le capital restant dû, c’est-à-dire que les primes seront dégressives. Tout dépend de votre projet. Si l’on compte revendre le bien à court ou moyen termes (8 à 10 ans), il vaut peut-être mieux opter pour des primes constantes», poursuit l’animatrice du réseau NousAssurons. C’est votre courtier ou assureur qui pourra vous conseiller au mieux sur le choix à faire
4 – Se passer d’assurance en fin de prêt
En règle générale on ne peut pas se passer de l’assurance emprunteur sauf en cas de l’accord de la banque ce qui est très rare !
Le remboursement de l’assurance emprunteur peut être envisagé avec l’accord de la banque (bénéficiaire acceptant) en fin de prêt si le client à régler en prime unique ou s’il effectue un remboursement anticipé du crédit. «Qu’est-ce que la prime unique ? Il s’agit de régler le montant total de l’assurance emprunteur en une seule fois et non pas selon une périodicité mensuelle ou annuelle comme il est généralement le cas lors d’un emprunt immobilier», explique Lola Sougey-Lardin. L’avantage est double. Tout d’abord, le fait de payer en une seule fois permet d’obtenir une assurance dont le coût est globalement divisé par 3. Ensuite, la «prime unique» n’entre pas dans le taux d’endettement de l’acquéreur. L’inconvénient: cela sous-entend que l’emprunteur dispose de fonds suffisamment importants pour couvrir l’intégralité de la prime d’assurance., explique Lola Sougey-Lardin. L’avantage est double. Tout d’abord, le fait de payer en une seule fois permet d’obtenir une assurance dont le coût est globalement divisé par 3. Ensuite, la «prime unique» n’entre pas dans le taux d’endettement de l’acquéreur. «En général, cela se fait pour jouer avec le taux d’usure», ajoute -t-elle. L’inconvénient: cela sous-entend que l’emprunteur dispose de fonds suffisamment importants pour couvrir l’intégralité de la prime d’assurance.
5- Surmonter les obstacles
De l’avis général des assureurs et courtiers, la loi Lemoine a eu des effets positifs et les banquiers jouent le jeu. Mais font aussi un peu traîner les dossiers. En bref, il faut être un peu tenace. Les banques doivent informer leurs clients de la liberté de choisir l’assurance emprunteur, comme la loi l’exige. Une enquête auprès de 144 établissements de crédit, publiée par la DGCCRF en septembre 2023, a montré que la plupart le font. Certes mais ensuite, elles ont tendance à parsemer les démarches de toutes sortes d’obstacles, parfois abusifs. Ainsi certaines banques continuent à affirmer qu’il faut attendre les 12 premiers mois du contrat avant de pouvoir changer d’assureur et respecter un délai de préavis. Ce qui est faux puisque justement la loi Lemoine l’autorise immédiatement et sans préavis.
D’autres ne donnent pas la liste des pièces à fournir pour changer d’assurance : de cette manière si une pièce est manquante la demande est refusée. Plusieurs ne respectent pas le délai légal de 10 jours ouvrés pour répondre à une demande de changement d’assurance. La DGCCRF affirme avoir sanctionné une banque qui ne traitait que 73 % des demandes dans les délais. Et même une autre dont les délais avaient atteint 124 jours. Or lorsque les délais s’allongent, l’assurance de la banque continue à courir… et le client se décourage.
À noter: la plupart du temps, le nouvel assureur se charge, moyennant finance ou non, d’accomplir les démarches.
6- Contester en cas de refus
Lorsqu’une banque refuse de changer l’assurance emprunteur, elle doit motiver sa décision en se référant à la fiche standardisée d’information qu’elle a elle-même fournie à l’emprunteur. Si le motif est la non-équivalence du niveau de garantie, plusieurs recours sont possibles. D’abord vous pouvez commencer par envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception au directeur de la banque pour contester ce refus. En effet les assureurs alternatifs veillent à proposer des niveaux de garanties tout à fait équivalents, voire supérieurs à ceux des banques, de manière justement à ce qu’elles ne puissent pas les refuser.
Si finalement aucun accord n’est trouvé, vous pouvez saisir par courrier le médiateur de la banque. La procédure est gratuite. Celui-ci dispose d’un délai de 3 mois pour répondre. Si l’assureur alternatif n’entre jamais lui-même en contact avec la banque, beaucoup d’entre eux proposent d’accompagner l’emprunteur tout au long du processus qui peut se révéler parfois très complexe, notamment en cas de maladie chronique ou de profession « à risque ». Armé d’une bonne connaissance de vos droits et de pas mal de ténacité, vous pouvez donc finir par obtenir gain de cause. Avec à la clé parfois plusieurs milliers d’euros d’économie.
